Le temps du Réveil
Dans les années 20, l'Église protestante unie du Crestois a vécu un mouvement de Réveil
spirituel. La Brigade de la Drôme venait de naître.
Ci-après, nous avons retranscrit des extraits du livre de Jean Cadier, dont nous vous recommandons la
lecture, intitulé Le matin vient, 2005.
Sommaire
Novembre 1922 à Crest
Le Réveil est là
Janvier 1923
La Brigade
Mars 1923
Le chant de la Brigade
Mai 1923
Chronologie d'un événement unique
Novembre 1922 à Crest
En novembre 1922 eut lieu à Crest, dans la vallée de la Drôme, une retraite groupant comme chaque année au début des activités d'hiver la trentaine de pasteurs du Synode réformé de la région. Ces trente pasteurs appartenaient, d'après la situation géographique de leurs paroisses, à trois Unions pastorales, se réunissant à peu près tous les mois pour l'étude biblique et la prière : le groupe de Valence, rassemblant les deux pasteurs de cette ville et ceux des paroisses voisines : Romans, Chabeuil, Montmeyran, Étoile, Beaumont ; le groupe de la Vallée de la Drôme, de sa source à son confluent avec le Rhône, Valdrôme, Beaurières, Luc-en-Diois, Barnave, Châtillon-en-Diois, Die, Sainte-Croix, Saillans, Beaufort-sur-Gervanne, Plan-de-Baix, Aouste, Crest, Livron, Loriol ; le groupe du Sud de la Drôme, dont nous avons déjà parlé plus haut, Montélimar, Puy-Saint-Martin, Poët-Laval, Dieulefit, Bourdeaux, Vinsobres, Nyons, La Motte. La « Pastorale » de la Vallée de la Drôme était marquée par la profonde influence qu'avait exercée sur elle quelques années auparavant Tommy Fallot qui l'avait recréée et l'avait animée d'une vie profonde. Le pasteur Georges Dunant, de Crest, était son gendre. Le pasteur de Chateaudouble, Gabriel Bouttier, qui avait aussi beaucoup vécu de la spiritualité de Fallot, était membre de cette Union de la Vallée.
Au pied de la tour de Crest, où jadis furent emprisonnées des femmes huguenotes, les réunions avaient lieu dans une atmosphère d'attente. On savait ce qui s'était passé à La Motte. Édouard Champendal au lendemain de son premier contact avec le Réveil à Arnayon avait téléphoné à ses collègues des environs pour leur dire sa joie de ce qu'il avait vu et entendu. Les réunions de la retraite se déroulaient suivant le rythme habituel de ces rencontres : études sur le ministère, sur la prière. Victor Bordigoni était là, intimidé, certes, lui, l'évangéliste récemment entré dans le travail paroissial, devant ces pasteurs chevronnés dont il connaissait la valeur. Deux jours se passèrent. À la fin du troisième jour, au moment où les participants allaient prendre la Sainte-Cène, qui clôture ordinairement ces retraites, Bordigoni se leva et demanda la parole. Extrêmement pâle, s'adressant à ceux qui l'entouraient, il leur dit :
Mes frères, mes amis, depuis trois jours je suis avec vous et je vous entends parler de Dieu et de votre ministère, mais je me demande en vous écoutant si vous savez qui est Dieu et ce qu'est le ministère.
Il s'arrêta et se mit à genoux. Il continua :
Dieu est saint, ses exigences sont saintes. Croyez-vous qu'il peut se contenter de ce que nous sommes, nous qu'Il a appelés à son service ? Dieu n'a pas changé dans son amour ni dans sa puissance pour sauver. C'est nous qui avons changé, nous qui hésitons à le prendre au mot. Si nous croyons, nous verrons s'accomplir les promesses de Dieu.
L'émotion était profonde. Des prières d'humiliation et de consécration s'élevaient de toutes parts. Des réconciliations s'opéraient entre ceux qui avaient eu entre eux quelque dissentiment. Moment très beau et très simple de l'action souveraine de Dieu, reprenant en mains ses serviteurs pour une tâche nouvelle.
La Sainte-Cène vint alors cimenter dans la communion avec le Maître les résolutions prises en cette heure exceptionnelle. Le soir, dans le temple de Crest, Victor Bordigoni reprit devant les fidèles assemblés les thèmes principaux de son intervention de l'après-midi. Il fit le récit de son arrivée à La Motte, les temples en ruines, les troupeaux dispersés. Puis ce fut le Réveil d'Establet, les conversions nombreuses, les temples restaurés dans un élan de foi et de générosité.
Dieu a en horreur les gens religieux, disait-il, il ne réclame pas des protestants, mais des témoins. Le Réveil est venu, la moisson est prête. Il faut entrer dans la moisson.
Partant alors du chapitre 29 du second des livres des Chroniques qui raconte le Réveil d'Ézéchias, il en reprit les thèmes principaux :
"Écoutez-moi, lévites ! Sanctifiez-vous maintenant, sanctifiez le Temple de l'Éternel, le Dieu de vos pères, nettoyez le sanctuaire de ce qui est impur... J'ai l'intention maintenant de faire alliance avec l'Éternel, afin que l'ardeur de son courroux se détourne de nous. Mes fils, ne soyez pas négligents : car l'Éternel vous a choisis afin que vous vous teniez en sa présence pour le servir, pour être ses serviteurs." Dès lors, les lévites font un pacte avec Dieu. Il nous demande une vie irréprochable et pure, une vie de sainteté. Il nous demande de lui sacrifier tout ce qui pourrait être un obstacle au Réveil.
Ces paroles retentissaient dans le temple de Crest avec un accent de nouveauté et de puissance. Depuis, ces mots d'ordre du Réveil ont été souvent répétés : Dieu ne se contente pas de ce que nous sommes. Dieu a horreur des gens religieux. Dieu n'a pas changé. Souvent entendus, ils ont de nos jours perdu de leur impact. Mais à ce moment-là, ils étaient entendus pour la première fois, avec la puissance de l'Esprit divin, avec l'autorité de quelqu'un qui a vu les conversions, les joies, les enthousiasmes de ceux qui ont accepté ce message et sont entrés dans une vie nouvelle.
Le Réveil est là
De retour dans son presbytère de Dieulefit, Henri Éberhard raconta à sa femme ce qu'il venait de vivre à Crest. Une certitude s'était emparée de lui :
Nous venons de vivre une nouvelle Pentecôte. Le Réveil est là.
Puis il s'enferma dans son cabinet de travail. C'était un samedi soir, il fallait penser à la prédication du lendemain. Je lui laisse maintenant la parole :
D'abord, j'eus envie de rire. Au-dedans de moi, une voix me disait : Pauvre ami, tu perds le sens ! On va se moquer de toi. Reste tranquille, voyons, redeviens sérieux ! Alors je me mis à ma prédication (Il poursuivait alors dans ses cultes du dimanche matin une série sur les petits prophètes). Mais Dieu veillait. Un trait de lumière traversa mon esprit : le Réveil est une question de position, il dépend de notre foi, de notre attitude, du jour où notre consécration est totale. Je déchirai mon sermon, j'en jetai les morceaux au feu, je tombai aux pieds de Dieu. Une fois de plus, je lui offris toute ma vie, criant : "Prends-moi, inspire-moi, guide-moi." Dieu me répondit : "Empare-toi du Réveil, saisis-le par la foi. L'heure est venue. Proclame le Réveil".
Le lendemain, il monta en chaire dans le temple de Dieulefit et il dit :
Le Réveil vient d'éclater dans cette Église et j'en suis le premier converti. Le Royaume de Dieu s'est approché de vous.
Dès le premier jour, plusieurs paroissiens et catéchumènes vinrent lui dire qu'ils répondaient à son appel. Le Réveil était là. À la foi de son serviteur, Dieu avait accordé l'exaucement.
La Motte, Dieulefit
Deux paroisses bien différentes. La première, perdue dans les montagnes, abandonnée spirituellement pendant plusieurs années, presque entièrement rurale, rarement traversée par des courants d'idées et connaissant soudain par la grâce de Dieu la flambée magnifique d'un mouvement de conversions.
La seconde, petite ville de forte culture religieuse, vraie citadelle protestante, malgré tout quelque peu somnolente dans sa riche tradition. Mais un réveil ne paraissait pas indispensable. De riches personnalités spirituelles s'y manifestaient. Cependant les conversions, surtout de jeunes, y apportèrent un souffle nouveau et sous l'impulsion d'Henri Éberhard et de sa femme, la paroisse devint au bout de quelque temps le centre du Réveil.
Crest
Plusieurs participants de la « Pastorale » de Crest passaient par des expériences analogues. Ils se les communiquaient avec joie et espérance, saisis par ce renouveau dans leurs paroisses.
Qui eût dit, écrivait l'un d'eux, que la réalisation de tant de possibilités dans mon Église dépendait ainsi de moi seul ?
Oui, mais sans oublier l'œuvre de l'Esprit, agissant à son heure et suscitant la foi victorieuse.
Janvier 1923
L'année 1923 commençait. Au mois de janvier, Victor Bordigoni organisa dans sa paroisse une suite de réunions pour grouper les convertis de la première heure et en atteindre d'autres. Il invita ses collègues du Sud de la Drôme à venir tour à tour présider une réunion du soir. Réunion très simple, au message direct, sans signes d'émotivité ou de nervosité. Une grande paix retrouvée et proclamée. Henri Éberhard y vint un soir et deux ou trois autres. Mais chacun aurait désiré rester. Aussi il fut décidé que le dernier soir de la semaine, les pasteurs qui s'étaient succédé se retrouveraient et prendraient ensemble la parole pour une réunion de clôture.
C'est ce qui fut fait et le résultat réjouit le cœur de tous. Or ce travail en équipe était une chose tout à fait nouvelle. En général, la responsabilité d'une réunion était confiée à un seul. Cette fois, trois des pasteurs présents prirent la parole, chacun apportant le message que Dieu lui confiait. Une unité parfaite se manifestait. La force du témoignage en était accrue. Ce fut pour ceux qui avaient parlé une expérience nouvelle et décisive. C'est à plusieurs maintenant qu'ils allaient annoncer l'Évangile et non tout seuls. Ils s'étaient sentis fortifiés par cette action commune. Obligés à la brièveté pour laisser à chacun le temps nécessaire, ils avaient donné plus de force à leur parole. Ils s'étaient effacés en tant que personnalités pour laisser au message à apporter toute sa force. La « Brigade » était née.
La Brigade
Ce n'était pas le résultat d'un projet, d'un plan dressé à l'avance. C'était comme pour le Réveil un surgissement de l'Esprit, une expérience décisive et qui remplit de joie ces équipiers d'un nouveau genre. De nos jours, la formule de travail d'évangélisation en équipe est largement pratiquée. À ce moment-là, elle était inattendue. D'emblée, il fut décidé qu'on entreprendrait des missions de Réveil dans toutes les paroisses, grandes et petites, dans les villes et dans les villages, partout où la demande en serait faite. Réunions d'évangélisation et d'appel, en principe une fois par mois, pendant quatre jours, du mardi au vendredi. Rarement le dimanche, puisque les missionnaires étaient chacun pasteur en pleine activité. Immédiatement, Édouard Champendal proposa que la première mission ait lieu dans sa paroisse à Vinsobres, du 13 au 16 février.
La Brigade ! D'où vient ce nom ? nous a-t-on souvent demandé. Nous n'en savons rien. Il nous a été donné on ne sait par qui, ni pour quoi. Il a surgi un jour, comme souvent les surnoms et nous l'avons gardé en souriant je crois bien que l'on nous comparait à ces gendarmes qui parcourent le pays par petits groupes. D'autres plus sérieux parlaient de ces brigades d'assaut que l'on envoyait pendant la guerre en renfort sur des points menacés. Mais cela me paraît déjà un peu sophistiqué. D'autres nous ont dit que dans certaines administrations comme les téléphones, on appelle brigades les groupes de suppléants prêts à donner un coup de main en cas d'urgence. Peu importe, le nom nous est resté. Nous avons à un certain moment essayé de le solenniser en nous appelant Brigade Missionnaire de la Drôme. C'était plus officiel, mais cela n'a pas pris. Nous étions la Brigade, cela suffisait. Le nom apparaît dans des articles de notre petit journal régional L'Accord, au printemps de 1923. Il nous est resté.
Vinsobres, où se tint donc la première mission, est un joli village à une dizaine de kilomètres de Nyons. Bâti sur la hauteur, il est dominé par une église ancienne qui fut donnée par Napoléon aux protestants pour leur culte. Édouard Champendal, originaire de Genève et avant fait ses études dans la Faculté de Théologie de cette ville, était depuis deux ans le pasteur de cette paroisse, qui en dehors du village et de ses alentours, s'étendait très loin vers l'Ouest, vers Saint-Paul-Trois-Châteaux, capitale du Tricastin, la patrie de Blanche Gamond, la martyre huguenote. Il habitait avec sa femme, née Christiane de Vernejoul, un aimable presbytère à l'entrée du village.
Préparées avec soin par la prière, les quatre réunions d'appel dirigées par les quatre pasteurs qui avaient pris récemment à La Motte l'initiative de cet effort, furent dès le premier soir marquées de la puissance du Saint-Esprit. Plusieurs déclarèrent vouloir se donner à Dieu et entrer dans la voie du Réveil. Ces résultats de leur première mission furent décisifs pour ceux qui les avaient organisées. Ils leur montraient que leur message n'avait pas un caractère local, s'adressant à une seule paroisse de la montagne, mais qu'il avait pour toutes les paroisses sa force.
Dieu n'est pas un Dieu partial, aimaient-ils à répéter, qui favorise une région plutôt qu'une autre. L'appel à la Vie s'adresse à tous, le salut est pour tous. L'heure du Réveil a sonné pour tous.
Il ne s'agissait donc pas de telle ou telle mentalité, de telle ou telle circonstance, de telle ou telle conjoncture rendant possible la réponse à l'appel. C'est une œuvre de l'Esprit qui donne à ceux qui croient à son action créatrice et qui se convertissent au Seigneur, en tout lieu et en tout temps, la joie du salut. Il fallait donc continuer.
Mars 1923
La Mission suivante en cette année 1923 eut lieu à Nyons du 3 au 10 mars. Petite ville agréable sur les bords de l'Aygue, Nyons, protégée des vents et des frimas, était célèbre par la douceur de son climat. Son pasteur, Maurice Rohr, âme profonde qui devait quelques années plus tard être chargé de la présidence de la Commission permanente du Synode National des Églises Réformées évangéliques, avait été d'emblée, ainsi que sa femme, gagné à la cause du Réveil. Marthe Rohr, femme de prière, présentait depuis longtemps à Dieu dans son intercession l'Église qui lui était confiée. Je l'appellerai volontiers « une des mères du Réveil ». Elle était une de ces croyantes obstinées qui par leur incessante supplication vers Dieu avaient préparé la manifestation de la puissance divine.
La Mission de Nyons fut, à côté d'un effort auprès de l'Église protestante, une ouverture vers le grand public. Dans ce but furent organisées deux conférences publiques au Casino. Une amusante photographie nous donne sur cet effort d'intéressants détails. Au centre, Victor Bordigoni, qui présidait les réunions. À ses côtés, son fils Louis Bordigoni, Henri Éberhard, Brunet, Lavaud, Marcel Grobéty. Ces cinq pasteurs ont en mains les vélomoteurs, qu'on appelait Alcyonnettes, du nom de leur fabricant, Alcyon, et qui étaient leurs moyens habituels de locomotion. Un peu en arrière, Maurice Rohr et Édouard Champendal, dans une quadrilette Peugeot, autre outil pastoral. À leurs côtés, un groupe de six dames et jeunes filles, parmi lesquelles Madame Rohr et Mademoiselle Cornaud, diaconesse évangéliste, qui collaborait aux réunions par son chant. Sur l'auto, une grande affiche avec ces mots :
Soyez des nôtres ce soir au Casino. Réunion publique : L'HOMME NOUVEAU. Invitation cordiale à tous.
L'auto avec cette affiche devait parcourir les rues de la petite ville. Ah ! cette pancarte ! Comme elle devait susciter, à ce moment-là et plus tard, des critiques. Faire de la réclame pour des réunions religieuses ! Quel blasphème ! C'est un cirque ! Ce sont des saltimbanques ! disaient quelques vieux protestants horrifiés. Une autre pancarte disait : « Croisade de Salut. Nyons ». Et d'autres disaient : « Vous voyez, c'est l'Armée du Salut ! »
Oui, c'était un effort de salut, qui n'avait qu'un but : sauver des âmes, annoncer Jésus-Christ le Sauveur aux hommes de la rue, sortir des temples et des chapelles pour atteindre le plus grand nombre. Oui, c'était l'Armée du Salut, mais la nouveauté, c'était que cela se passait dans l'Église, par des pasteurs, soutenus par les membres de leurs paroisses. Pourquoi laisser à une organisation en dehors de l'Église, très belle et très courageuse, le privilège d'annoncer Jésus-Christ sur les places et dans les théâtres ? C'était à l'Église de le faire, avec joie, avec amour. Les titres des conférences étaient aussi fracassants : « La vérité sur Jésus-Christ », « La révolution qu'il nous faut ». Cela sentait le changement et les gens ne s'y trompaient pas. Au temple comme au Casino, les auditoires furent très nombreux, catholiques, protestants, et même, nous dit le journal local... libres penseurs.
Le chant de la Brigade
Ce fut aussi à Nyons que fut chanté pour la première fois un cantique, extrait des Chants de Guerre et de Gloire, d'Alexander, qui devait devenir le chant de la Brigade. Inspiré par les versets 23 à 26 du douzième chapitre de l'évangile selon Jean, ce cantique disait : L'heure est venue !
1. Les mains se tendent vers Jésus
À lui vont tous les cœurs déçus
Voici l'heure est venue ! (bis)
Les mains se tendent vers Jésus.
2. Il faut qu'Il soit glorifié
Notre Sauveur ressuscité
Voici l'heure est verrue ! (bis)
Il faut qu'il soit glorifié.
3. Le prince du monde est jugé
Vaincu par le Ressuscité
Voici l'heure est venue ! (bis)
Où Satan du ciel est chassé.
4. Nous nous offrons en sacrifice
Ô Seigneur ! pour ton saint service
Voici l'heure est venue ! (bis)
Nous nous offrons en sacrifice.
5. Jésus ayant tout accompli
Attire les hommes à Lui
Voici l'heure est venue ! (bis)
Jésus-Christ a tout accompli.
Oui, nous l'avons chanté des centaines de fois ce cantique, mais jamais sans émotion. Il exprimait notre foi : une heure était venue où Dieu relevait le défi que lui jetaient les incrédules et les négateurs et où Il glorifiait son Fils par le témoignages d'âmes sauvées. Dès lors la Brigade prit comme mot d'ordre la parole de Jésus : « L'heure est venue où le Fils de l'Homme doit être glorifié ! » Il ne fallait pas laisser passer cette heure, il fallait la vivre intensément, avec tous ses triomphes, avec tous ses sacrifices, dans un acte de foi sans réserves en l'action actuelle du Saint-Esprit.
Du 19 au 24 mars eut lieu la Mission du Dieulefit. Elle fut dans le même style que celle de Nyons, réunions d'appel au temple et en salle neutre et réunions de sanctification pour ceux qui désiraient approfondir la vie chrétienne. Là aussi, pancartes et affiches firent scandale auprès de quelques bien-pensants. Mais qu'importe ! Des âmes se convertissaient, des vies étaient sauvées. Un souffle nouveau passait sur l'Église, et le presbytère, situé dans un quartier qui portait le beau nom de « La Garde-de-Dieu », ne désemplissait pas de personnes désirant s'entretenir avec les missionnaires.
Mai 1923
Après une courte mission à Montélimar (30 avril-1er mai) en collaboration avec la Mission Intérieure Évangélique, ce fut à Puy-Saint-Martin, dans la paroisse du pasteur Samuel Brunet, une Mission du 15 au 18 mai. Au lendemain de ces réunions, le pasteur écrivait :
Une immense joie ! J'ai moissonné toute la journée et c'est de plus en plus la joie ! Des résultats visibles merveilleux, et aussi tous les invisibles, résultat de la réunion du dernier soir... Maintenant que nous pouvons scruter notre victoire, elle nous confond ! Gloire à Dieu !
Du 29 mai au 2 juin, une Mission à Saint-Paul-Trois-Châteaux, annexe de Vinsobres, réunit de beaux auditoires. Elle fut aussi suivie par quelques jeunes de Nîmes qui, avant entendu parler des conférences de la Brigade, vinrent en train et en bicyclette y prendre part. Premier noyau de tout un groupe de l'Union Chrétienne, qui quelques mois plus tard devait recevoir dans cette ville les messagers du Réveil.
À cette époque-là, la Brigade était une équipe ouverte, composée de pasteurs de la Pastorale du Sud de la Drôme, qui désiraient s'associer à la proclamation du Réveil, en toute liberté. Venaient ceux qui voulaient ou qui pouvaient venir. Chacun apportait alors le message qu'il se sentait appelé à donner. Sous la présidence de Victor Bordigoni, trois ou quatre prenaient la parole, environ un quart d'heure, suivant un plan établi juste avant. L'improvisation était de règle, aucune note sous les yeux. Cela donnait à leur message un caractère direct, vivant, impressionnant. Entre les interventions de chacun, des chants. Car on chantait beaucoup, avec enthousiasme, en se servant du recueil Chants de victoire. Les accents en étaient triomphants. Ils portaient la marque d'un combat dont l'issue n'était pas incertaine. Des âmes rencontraient le Sauveur et en rendaient témoignage. Tout s'accomplissait dans une entière liberté.
(Jean Cadier, Le matin vient, Lyon : Éditions Olivétan, 20052, p. 27-37, chapitre II « Crest », actuellement indisponible)